mardi 6 juillet 2010

Les métiers méconnus de la Bande Dessinée



Son nom ne vous dirait rien, et pourtant, le lecteur et fan assidu du neuvième art que vous êtes sûrement, a déjà eu affaire, sans même le savoir et bien plus d’une fois, avec notre invité de la semaine… Ou plutôt avec son écriture, car Hugues Tomasini est lettreur.


Rencontre.

Comix Pouf : Hugues, vous êtes lettreur. C’est une profession méconnue même des lecteurs de bandes dessinées. Pouvez-vous, en deux mots, revenir sur votre parcours ?

Hugues Tomasini : Je suis calligraphe de formation et c’est un peu par hasard que je suis entré dans le métier. René Groult (alias Tluorg, l’auteur de Rimpimpim, NDLR) était l’ami du beau-frère de ma femme. Il travaillait à l’époque pour l’hebdo Raplapla et son lettreur attitré venait de tomber pour une sombre histoire de trafic de planches originales. J’ai accepté de le remplacer au pied levé pour lui rendre service. C’était en 1977, et je suis toujours là (rire).

CxP : Votre nom ne figure que rarement sur les albums que vous lettrez. Pourtant, vous êtes un rouage indispensable dans l’industrie de la BD. N’est-ce pas frustrant à la longue ?

HT : Euh…Non. En fait, je suis un artisan, pas un artiste. Je suis le lien entre les mots du scénariste et le lecteur… C’est une reconnaissance intérieure, et moi, elle me suffit.
Vous savez, malgré leurs talents indéniables, la majorité des dessinateurs écrivent comme des cochons, sans parler de ceux qui sont tout bonnement analphabètes. Moi, je suis là pour transcender leur travail, je suis un peu le descendant des maîtres enlumineurs du moyen-âge.

CxP : Comment avez-vous vécu l’arrivée des nouvelles technologies ? J’imagine que l’ensemble de votre profession a dû être bouleversée face à l’affluence des outils informatiques ?

HT : J’ai fait comme tout le monde, je me suis adapté ! Au début, ça a été difficile, je l’avoue, mais avec un peu d’entrainement, j’arrive désormais à reproduire n’importe quelle police !
(Hugues se saisit alors de son Rötring Isograph 0,6mm, son outil de prédilection, et reproduit à la perfection une magnifique Microsoft sans sérif.)
Vous savez, je crois que l’informatique est surtout un effet de mode. Les gens finiront bien par s’en lasser. Comme tout…

CxP : Hugues ! Merci !

HT : C’est moi.






La semaine prochaine, un nouvel entretien passionnant avec Jean-Jacques Peaumevert, étudiant à la retraite et correcteur d’orthographe chez Delcourt.

3 commentaires:

Jean-Michel a dit…

Pfff ! un Rotring 0,6 et pourquoi pas un burin ? Pour un tel lettrage c'est un 0,1 qu'il a fallu... Ces jeunes !

Li-An a dit…

J'espère que ce n'étais pas lui qui officiait dans Spirou dans les années 80, je suis en train de relire des histoires traduites avec un lettrage à la truelle.
À propos des correcteurs d'orthographe, il y avait (y a ?) chez Vents d'Ouest un correcteur qui m'avait corrigé "jardins effervescents" au motif que ça n'existait pas (dans 7 histoires de pirates). Dans le même genre d'esprit, il avait blancoté grave sur les planches de Mad et Appollo qui narraient une histoire réunionnaise avec moult créole. Le créole n'étant pas du bon français, ce monsieur s'était arrogé le droit de tout refaire.

Laurent a dit…

Mais comment vous faites pour être aussi drôle? Vous avez des gagmen emprisonnés dans votre cave?